._#Harmonie-Dream
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 Meian - Goodbye ;

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Nami
RAWR means love
Nami


Messages : 226
Date d'inscription : 28/09/2008
Age : 30

Meian - Goodbye ; Empty
MessageSujet: Meian - Goodbye ;   Meian - Goodbye ; Icon_minitimeLun 30 Avr - 1:40

    I. Let me go.

    Sa respiration était la seule chose qu’on entendait. Le vent, la vie, le monde ; tout était extrêmement silencieux. Il n’y avait que sa respiration, précipitée, dans la salle presque vide, où la lumière argentine des étoiles venait teinter le sol, copiant la forme stricte des fenêtres aux yeux écarquillés. Elle était assise sur le sol, le dos contre son lit. Ses genoux étaient remontés contre son corps frêle, plus petit encore qu’il n’y semblait hier. Ses bras, pâles dans ce monde nocturne, se serraient autour de ses jambes avec l’insistance du désespoir. Pour une fois, elle était seule. Il n’y avait pas d’ombre, juste une pièce rayonnante de sa pâleur et de l’argent qui s’infiltrait entre les rideaux attachés. Son espèce ne pleurait pas. Mais tout son corps réagissait à sa propre façon. Toute cette folle dérision, l’irritation implacable des tensions psychiques, toutes ces émotions se devaient d’aboutir à une réaction organique apte à soulager son cœur encore trop humain. Trop humain pour s’en sortir indemne. C’est pourquoi sa respiration se faisait presque convulsive, que sa main tremblait, que si ses joues ne rougissaient pas, son front se voyait perlé de quelques gouttes de sueur. Et pourtant elle avait froid. Voilà depuis quelques jours à nouveau qu’elle ne mangeait pas, ne sortait pas, ne parlait pas. Elle fuyait ; c’était un fait. Elle fuyait le monde entier, se contentant de chercher un signe, un jeu de lumière, la trace de pas inespérée du spectre de ses pensées.

    Que pouvait-elle faire d’autre ? Elle était seule, destinée au deuil éternel de sa moitié. Celui de sa jumelle, qui avait ravivé la plaie de cet organe cadavérique qui se tordait dans sa poitrine, et qu’elle ne pouvait toujours pas accepter. Chaque éclat de lumière lui faisait croire que sa sœur était toute aussi éclatante de vie, aussi discrète et valsante que ces lueurs sauvages. Mais ces lueurs n’appartenaient jamais au soleil. Car jamais n’acceptait-elle de faire face à cet astre trop éblouissant. Quelques fois déjà était-elle sortit au crépuscule, mais jamais en plein jour. Elle était comme une créature nocturne, discrète, silencieuse. Un monstre qui souffrait dans la clarté trop brutale. Elle avait souffert, prise dans les fils lumineux de sa sœur, comme un papillon de nuit sur une toile d’araignée brûlante. Ses yeux si peu accoutumés aux grandes lumières avaient cillé mainte fois en observant la lumière intense de l’innocence qu’arborait sa jumelle. Sa chère et tendre jumelle, prise dans l’élan de la guerre, dans la rage intarissable de son combat, dans cette mort qu’elle promettait à tout les noahs, et donc peut-être à elle. Et si Hikari était parvenue à cesser de l’aimer, aurait-elle était capable de mettre un terme à son existence de semi-immortelle, fissurant son corps grisâtre entre les fils tranchants de son pouvoir divin ? Aurait-elle été capable de lui poignarder le dos dans leur enlacement si longtemps espéré, l’emportant dans sa propre disparition ? Elle aurait dû. Meian le lui avait imploré, ses dernières forces succombant dans un soubresaut, libérant les pouvoirs qui somnolaient en elle, ces pouvoirs nés des sentiments de rage qui avait subsistés au fond de son coeur, et qui avait fait d’elle ce qu’elle était, la transformant jusqu’à lui voler son humanité.

    Les yeux lasses et creux, elle laissa sa tête tomber contre ses genoux, observant l’écran noir de ses paupières, sur lequel s’affichaient parfois les tristes souvenirs de son enfance, les rires anodins d’enfants insoucieux, les paroles d’une mère un peu trop sévère, ou les promesses naïves et pourtant si déterminées. Mais ce soir là, il n’en fut rien. Il n’y avait que cette pièce vide et pâle, partout, dans sa tête, autour d’elle, sous ses pieds, comme si tout avait déserté. Et pourtant elle sentait la pression contre les murs, prête à tout faire détruire, à s’infiltrer comme un torrent, menaçant jusqu’à la part la plus coriace de sa conscience. Tout ne dépendait de rien. Elle aurait pu dormir, mais le vide n’était pas si agréable. Rien ne l’était. Ses pensées pouvaient bien être douloureuses ; oublier était un trop gros péché. Elle ne devait pas enterrer ces souvenirs. Elle les faisait vivre. Et elle ne partirait pas, pas sans les graver quelque part, dans des esprits, dans des cœurs autruis s’ils battaient vraiment d’amour et de peine.
    Mais, vivre… ?

    Elle n’entendit pas la porte s’ouvrir. Mais elle sentit la présence qui s’approchait, pas à pas. Elle leva la tête, et ses yeux bleus s’accrochèrent durement à ceux aux profondeurs mauves qui l’incendièrent.

    Il s’arrêta en l’observant ainsi, menaçante et perdue à la fois, prostrée sur le sol de cette chambre qui semblait de plus en plus vide. Il l’observa durement, et pourtant quelque part au fond de lui, il voulait s’approcher, la prendre dans ses bras, la soulever, loin des abîmes où elle semblait se plonger, ou plutôt s’y enfoncer avec elle, s’enfuir en sa compagnie, essuyer ses larmes si elles devaient paraître. Adoucir ses moindres cauchemars, et rester éveillé, à jamais, observant les cils courbés de ses paupières closes, et écoutant son souffle assoupi, près de lui. Mais il resta immobile, soutenant son regard profond et moqueur. Et il la laissa réagir. Observant ses bras frêles et blancs se tendre pour combattre la gravité, et ses longs cheveux ébène y succomber sans la moindre résistance. Elle se redressa, et s’approcha, entourée d’un silence des plus parfaits. Et il laissa ses bras s’enrouler autour de lui. Il laissa son corps se coller au sien, une main froide se glisser dans sa nuque, une autre au bas de son dos. Se levant sur la pointe des pieds, elle colla son front contre le sien. Et il se demanda s’il pouvait à nouveau goûter au goût de sa peau, ce soir là.

    « Si tu choisis de me suivre, tu ne verras plus jamais la lumière du jour. »

    Pour seule réponse, il glissa ses lèvres sur les siennes, tel une première tentation, mêlant leurs souffles et faisant fuir les mots. Et elle ne cessa de le fixer, même en cet instant, attrapant des éclats de ses prunelles mauves et ensorcelantes, laissant ses mèches aux allures argentées glisser sur son front. Elle agrippa ces mêmes mèches entre ses doigts, dans sa nuque, un pincement tourmentant son cœur à nouveau. Elle se sentait tellement bien, proche de lui, dans ses bras, contre lui. Elle s’y sentait presque en sécurité. Elle s’accrochait avidement à ce cœur qui s’était ouvert à elle et qui avait fait naître en elle des choses jusqu’alors inconnues. Elle se sentait bien, dans des bras qui l’enserraient eux aussi avec égoïsme. Tant mieux. Parce qu’elle aurait pu y rester à jamais. Mais n’était-ce pas en ce moment même une source de souffrance qui se creusait un nid ? Son bonheur ne venait pas sans un élan de honte amer, de désespoir. Sans sa sœur, comment cela pouvait-il être ? Elle n’était jamais heureuse sans sa jumelle. Elle se sentait bien, avec Nemesis, bien qu’il incarnait le regret, le terrible regret. Mais jamais ne serait-elle véritablement bien sans sa sœur.

    Mais ce soir la lune veillerait sur eux, et sur leur solitude partagée. Car elle ne pouvait simplement pas le lâcher, et ne désirait rien d’autre que ses bras et son corps contre le sien.



    II. I know why the caged birds sing.

    L’éclair éclata dans le ciel noir. Et des gouttes de pluie rythmées s’écroulèrent autour de l’adolescente comme des sanglots qui éclataient sur le sol. Mais une ombre bienveillante s’été étirée au-dessus du petit minois grisé et couronné qu’était celui du Silence. Les yeux vastes et bleus qu’arborait alors le souvenir silencieux voletaient tout autour, comme des papillons qui ne pouvaient se décider à se poser. Meian aurait voulu être un de ces lépidoptères nocturnes et colorés, juste pour échapper à la sensation déplaisante qu’elle ressentait en cet instant. Une perception dont elle se serait volontiers débarrassée, qui lui donnait les frissons les plus glacés. Avoir des ailes et s’échapper dans le ciel… Quel rêve enfantin. Mais aussi une échappatoire bien trop aisée pour les esprits qui se font adultes. Une fin bien trop facile. Une route directe vers le paradis, alors qu’en réalité, il fallait d’abord survivre la mort. Ironie. On dira plutôt ; mourir la mort. Mais, peut-être l’espoir était à l’heure à son rendez-vous. Vivre pour toujours à ses côtés, n’était-ce pas ce qu’elle avait un jour murmuré au fin fond de ses nuits éternelles ?

    Les pupilles céruléennes se dardaient donc sur chaque parcelle d’ombre qui l’entourait, sur chaque éclat éphémère que les éclairs lançaient sur le sol d’asphalte, sur les murs et les coins de ruelles adjacentes. Quelque chose, enveloppé dans un mutisme inquiétant que son cœur ne partageait pas, se tenait là, quelque part, et Meian ne pouvait lui tourner le dos. Était-ce son imagination ? Son esprit vaguait-il trop promptement sur son océan de chagrin, alors qu’elle cheminait telle une lueur noire dans les rues londoniennes, dernier lieu où elle avait croisé sa soeur ? … ou alors, était-ce justement cet espoir auquel elle se tenait, auquel elle s’était trop durement attachée pendant de si longues années ?

    « Tu aimes décidément traîner dans les coins les plus désagréables. Sans dire que la météo est pourrie. »

    Non, cette fois elle n’avait pas rêvé.

    « Je fais de toute évidence partit de ces choses qui ne se comprennent pas, » dit-elle poétiquement, les yeux se dirigeant vers la source du bruit. « Ce ne serait pas drôle si je n’avais rien de surprenant. » Ses lèvres s’étirèrent en une mimique moqueuse, alors que ses pupilles observaient la forme mystérieuse d’une jeune femme. La nuit cachait bien des choses. Cependant elle ne gênait pas Meian, accoutumée aux ténèbres. Seulement, sa compagne se trouvait sous la dentelle d’une ombrelle. Mais Meian n’avait nullement besoin de voir son visage, de prêter attention aux longues mèches de chevelure dorée qui tombaient contre un corps élancé, pour savoir qui se cachait sous ce parapluie. Mais le visage d’Angel apparu, et ses yeux pétrifiants tombèrent sur Meian en même temps que son sourire sarcastique.

    « Tu n’as pas tord. »

    Mais il y avait sûrement plus, n’est-ce pas ?
    Bien sûr qu’il y avait plus.

    La Malchance s’approcha pas à pas du Silence, qu’elle dépassait de beaucoup. Meian était frêle. Angel quant à elle était grande et fière. Là était peut-être l’unique raison physique qui avait fait naître en elle un soupçon de protection. Mais en réalité, les choses étaient bien plus complexes. Meian était simplement sortie du lot. En avait-elle seulement fait partit ? Non. Et Angel non plus. Et c’était pour cela que Meian appréciait sa présence. Angel était franche et d’une compagnie plus que rassurante, bien que de nombreuses personnes auraient tremblé à sa vue. N’était-ce pas Angel qui avait plus ou moins rassemblés les pièces de son cœur lorsqu’il s’était brisé ? N’était ce pas elle qui avait déroulé le scotch dans un attentat désespéré de le faire tenir, bien qu’elle fusse au courant, plus que quiconque et autant que Meian, à quel point il pouvait être difficile de perdre une moitié de cœur. Le Malheur avait fait une exception étonnante et toutes deux gardaient avec ferveur les secrets de l’autre. Meian avait en effet nourrit un sentiment de bien être auprès d’Angel. Et sa haine l’aurait volontiers fait attaquer le Comte si seulement Angel en avait décidé ainsi. Car oui, Meian haïssait. Non seulement les Exorcistes, mais les hommes, les Akumas, et le clan des Noah aussi. Elle les haïssait tous. Mais son dégoût insurmontable face à l’innocence ne pouvait que lui donner l’envie irrésistible de tuer tout envoyé de Dieu et de l’expédier là où son bon Dieu disait l’envoyer. N’importe où, tant qu’il quittait la Terre, tant qu’il s’éloignait d’elle, de sa sœur, et que lui et son innocence souffrent. Souffrent pour le mal qu’ils étaient. Les Noah ne partageait pas ce traitement. Meian ne pouvait rien contre eux, à vrai dire. Ou du moins ne le pouvait-elle pas auparavant. Elle n’en était pas certaine, mais ce n’était pas dans ses volontés. Qu’ils fassent se qu’ils veulent. Elle ne pouvait plus échapper à ce destin trop promptement, fortement, et longuement ancré en elle. Elle acceptait les pseudo mission, contre ce droit qui lui avait été donné, de rejoindre sa sœur sur les champs de bataille sans se faire tuer par la première balle. Sans voir les étoiles noires croîtrent sur sa peau et la ronger jusqu’à ce qu’elle s’éparpille sur le sol sous forme de poussière. Voilà son seul présent de la vie. Tout le reste n’avait été qu’insulte et souffrance. Tout le reste n’avait été qu’erreurs et dommages. Tristesse et colère. Et l’amour traînait dans tout ça comme un oiseau perdu dans une terrible tempête. Destiné à battre des ailes jusqu’à épuisement.

    Meian avait été choisie pour errer les chemins dans les ténèbres de la nuit, où les ombres effacent les derniers rayons de lumière. Elle avait tremblé sous les froides caresses, jusqu’à ce que sa propre peau devienne si terne et froide, qu’elle n’en ressentait plus que la douceur de cette pénombre incomprise.

    Avec lenteur le parapluie vint s’installer au-dessus de sa tête. L’ombre s’évapora comme un rêve et elle baissa les yeux vers les flaques d’eau qui noyaient le sol. Silencieuse.

    « Viens avec moi. »
    « Pour aller où ? »
    « Tu verras. »

    Et Meian saisit la main qui s’offrait à elle. Et elle sentit les doigts fins d’Angel s’enrouler sur les siens. Et elle se sentit étrangement bien, comme si un poids quittait ses épaules. Elle fonctionnait. Elle avançait. Elle n’était plus perdue. Ou du moins en eut-elle la sensation en cet instant.

    Elle n’aurait jamais pensé que l’espoir pouvait autant détruire. C’était si douloureux. Attendre, dans le silence, dans les ténèbres, attendre un éclat de lumière, un peu de chaleur de cette sœur identique, un sourire complice, un coup d’œil juste pour lui rappeler qu’elle ne l’avait pas oublié, qu’elle était là, qu’elle avait mal elle aussi, mais qu’elle aimait, même si ça aussi ça faisait mal, qu’elle aimait de tout cœur, profondément, qu’elle s’en voulait pour tout, pour la plus infime des bêtises, pour le geste le plus banal, pour la première parole a s’extirper d’entre ses lèvres tremblantes. Un coup d’œil, un éclat de bleu, pour lui montrer que la mer n’avait pas tari, qu’elle était là, rugissante, étincelante, libre dans ses rêves, au minimum. Que d’amour en amour, de joie en peine, que de bataille en bataille, leur complicité restait intacte, défiant toutes relations instables, toutes fausses promesses, tout espoir fragile, avec cette masse indistincte, dépourvue de nom, cette chose qui les liait et qui écrasait tout le reste de par son ampleur, de part le fait qu’il s’agissait là de quelque chose de bien trop naturelle, bien trop vif, bien trop indispensable et important pour douter de son authenticité. Milles galimatias n’y feraient rien, puisque les mots s’avéreraient alors inutiles. Sa lourdeur écrasait tout ce qui osait venir perforer son corps grandiose.

    « Grandit, et ose. » s’étaient-elles dit, leur complicité débordante dans leurs doux sourires. « Voilà la recette du grandiose. » Et elles s’étaient promis d’oser, de grandir, main dans la main. D’atteindre ce grandiose. De défier toutes les lois. De graver les montagnes. De caresser la lune et le soleil. Elles s’étaient promis.

    « Tu vas me faire mourir d’ennui, Meian. »

    Le Silence leva des yeux lasses, au bleu terni, vers son ami. Si Angel prononçait ces mots, ce n’était pas dans l’ignorance. Elle lisait clair et net dans ce regard à peine raccroché à la réalité. Sans doute prononçait-elle ces paroles dans l’espoir de la reconnecter, comme s’il s’agissait d’une poupée aux piles vidées. Mais comment pouvait-elle la consoler, alors qu’elle n’était même pas capable de penser au désespoir qui l’emparerait si elle aussi venait à perdre sa sœur ? Vivre à deux dans un même corps semblait soudainement être quelque chose de très chanceux. Non, elle ne savait pas comment consoler Meian, d’autant plus qu’elle était maladroite quand il s’agissait de prendre les gens dans les bras, et cette fois un breuvage n’aiderait pas la noah.

    Elle se contenta alors d’observer les lueurs qui dansaient sur les joues de l'adolescente, projetées par le petit feu, ne sachant que dire de plus, accablée par ce silence qui lui seul lui répondait. Elle l’avait amenée dans une chambre d’hôtel, histoire de rester sur Londres encore un peu. Des flammes crépitaient dans une cheminée, illuminant faiblement les fauteuils vert bouteille sur lesquels elles étaient assises. Un soupir s’échappa d’entre les lèvres de la Malchance.

    Le Silence se mit à se balancer lentement sur son siège, les yeux plissés en observant ces flammes abjectes. Mais elle pouvait sentir leur chaleur. Rien que sur ses joues. Rien que sur ses bras nus. Et elle laissa la sensation chatouiller sa peau.

    « Je ne sais pas quoi faire. »

    Ses doigts se crispèrent, agrippant le tissu épais du fauteuil. Ses ongles avaient été rongés, victimes d’un stress que son immortalité ne pouvait combattre. Mais elle parvenait tout de même à griffer la fabrique. Les mots s’étaient échappés comme des oiseaux dont la cage venait d’être ouverte. Comme des gouttes de pluie au signal du premier éclair. Elle ne s’autorisa pas à regarder Angel. Ni voulait-elle qu’on lui réponde à vrai dire.
    Ce n’était qu’un fait.
    Comme elle le souhaitait, aucun mot ne répondit aux siens. Mais elle sentit Angel bouger. Et bientôt elle sentit un poids tirer sur la fabrique tendue du fauteuil. Elle tourna la tête vers Angel, qui à quelques centimètres, se contentait de la bercer de son regard plus ou moins interdit. Et bizarrement, Meian choisit de se battre encore un peu. Un tout petit peu. De ne pas s’effondrer sur place. De tenir bon. Encore un tout petit peu. Un sourire empli de douceur anima ses lèvres, alors que ses yeux se plissèrent. Elle pensa à Nemesis. Elle pensa fort à lui. Elle pensa à Anne. Et elle pensa à ce qu’elle avait vécut avec Angel. Et elle comprit qu’elle était sans doute la seule à avoir compris, ne serait-ce qu’un peu, tout ce qu’elle était. De quelle énergie vivait ses sentiments. Qu’est-ce qui les animait. Elle était la seule à pouvoir la comprendre. Et Meian se rendit compte qu’elle avait peut-être même réussit.

    Alors elle tendit ses bras et les enroula autour d’Angel, dont le corps se crispa un instant avant de doucement se détendre.



    III. Stuck in this moment of wanting you here.

    Do you remember when
    Nobody knew me well was life so simple then
    But you knew my name
    And Lord knows it will never sound the same again


    Où es-tu ? Pourquoi ne viens-tu pas me voir ? Pourquoi tant d’absence, de mots manqués, de gestes perdus à jamais ? Pourquoi ce silence ?
    La voilà, la tour noire, jonchée sur son île. Elle était là, à quelques kilomètres d’elle, perdue dans l’horizon encore sombre. Mais elle la distinguait tout de même, la Congrégation, maison d’âmes en peine, de cœurs vaillants et croyants. Et de… de… non. Elle ne pouvait pas s’approcher. NON. Elle ne pouvait pas s’approcher d’autant de cubes divins, de vive énergie. De présence mystérieuse et vicieuse. Tellement destructrice. Seule l’ombre offrait confort. La lumière blessait. Tellement. Comment pouvait-elle s’approcher de cet endroit ? Elle s’agenouilla sur l’herbe, le regard perdu. Puis soudain une nausée. Un frisson. Elle se redressa vivement. Sa sœur était morte près d’ici. Sa jumelle avait disparue, prise par le monde sans qu’elle ne soit plus prévenue qu’avec quelques gouttes de sang. C’est pourquoi, ces cubes, elle allait tous les détruire. TOUS.

    Puis soudainement, un soupçon de lumière vint bercer l’herbe frissonnante, coupant net la colère qui brûlait dans le cœur de Meian. Elle fut hypnotisée. Elle était restée si longtemps cachée dans les ténèbres, loin de la lumière douloureuse. Elle n’avait jamais accepté un rayon de soleil sur sa joue. Elle n’avait jamais accepté une once de sa chaleur sur sa peau pâle de gamine perdue. Mais peut-être qu’Hikari avait besoin qu’elle soit bercée de cette lumière pour la retrouver. Peut-être apparaîtrait-elle aussi rapidement qu’elle avait disparue… Il y a si peu de temps et pourtant une éternité…

    Elle sauta sur ses pieds, et dans l’immensité de la plaine sembla très frêle. Le soleil grimpa dans le ciel, tel un monstre consumant sa propre chaire, et soulignant les formes grotesques de la tour au loin. Sa lumière tapa sur les paupières étroitement clauses de Meian. Elle resta un instant ainsi, les yeux cachés. Déjà sentait-elle les rayons du soleil levant chauffer sa peau. Cela l’incommodait tellement. C’était désagréable, irritant. Toute cette lumière et cette étrange chaleur qui l’enveloppait soudainement, après des années de nuits et de crépuscules. Serrant les poings à s’en griffer la peau, elle ouvrit les yeux et poussa un cri lorsque la lumière étrécit ses pupilles. Elle fut éblouit, n’apercevant plus rien de ce monde qui semblait l’achever. Des larmes s’accumulèrent au bord de ses yeux, soulageant la désagréable sensation. Hikari. Hikari. Elle voulait la sentir, elle. Elle voulait qu’elle soit là, là où elle ne pouvait voir ; partout, juste devant elle. Là lorsqu’elle y verrait à nouveau. Mais lorsque la vue revint, il n’y avait rien. Rien de plus, rien de moins, mis à par cette lumière. Rien n’avait changé, rien n’était apparu. Les oiseaux ne célébraient pas, seul le vent murmurait des histoires que les arbres se faisaient passer. Il n’y avait rien. Elle était seule dans cet enfer brûlant, dans cette face cruelle du monde. Elle s’y sentait nue, brûlée. Et il n’y avait personne.

    Et la colère retomba sur elle comme un boomerang, amplifiée par cette chaleur étouffante. Le Silence trembla de tous ses membres, et brisa un instant le lien qui la retenait à son souvenir. Brisa un instant ce mutisme, remettant en question jusqu’à sa nature même. Et elle hurla, hurla envers le monde. Cria sa haine, sa douleur.
    Et lorsque les échos de ce cri retentirent et se perdirent, le silence fut complet. Le vent avait cessé de conter. L’herbe ne frémissait plus. Et les genoux tombants au sol, les paumes frappant la terre encore humide, elle frappa, encore et encore. Et le visage déformé par ce chagrin, elle leva la tête vers ce soleil, vers ce ciel pitoyable, et avec un effort gigantesque appela à elle mille et une ombre. Elle leva ses paumes vers le ciel, et le monde sembla frémir autour d’elle. Ses lèvres se tordirent en un râle douloureux. Mais dans ses yeux se consumait une détermination nouvelle et cette fois certaine de son résultat. Elle n’espérerait plus rien à présent. Non. Rien, plus rien.

    Son hurlement fit frissonner à nouveau la terre, et les oiseaux déployèrent leurs ailes, soucieux. Des ombres gigantesques s’extirpèrent du sol, se rejoignant les unes les autres, se mélangeant pour former un unique voile, qui s’éleva haut dans le ciel, et plus haut encore. Elles rattrapèrent le soleil, comme si elles chassaient. Elles s’étirèrent encore et encore, s’élevant au-dessus de la tour noire pour rejoindre d’autres ombres encore qui s’élevaient de l’autre côté. Elles se joignirent au dessus de la plus grande tour, et la nuit retomba, totale, complète, sans étoiles et sans lune. Elle retomba pour plonger cette portion du monde dans le noir.

    Un sourire terrifiant anima le visage du Silence.

    À travers froid et ténèbres l’épave de la vie se battait encore. À travers chaleur, désespoir, et une indifférence tellement vaste et tellement grandiose, cela arracherait à n’importe qui l’envie de faire quoi que ce soit autre que s’arrêter, et pleurer inlassablement.
    Elle se battait encore, mais vers sa bataille ultime. Sa toute dernière bataille.


    IV. Dancing on the very cusp of insanity.

    I never really wanted you to see
    The screwed up side of me that I keep
    Locked inside of me so deep
    It always seems to get to me
    I never really wanted you to go
    So many things that you shouldn't have known
    I guess for me there's just no hope
    I never meant to be so cold


    « Montrez-moi votre colère, toute votre colère ! Je veux vous entendre crier ! »

    La voix était interdite, terrible. Enfin éveillée, après des années et des années de semi-mutisme. De paroles flasques et timides. Elle s’était frayé un passage, brisant la pierre, fissurant les murs, et faisant dans le plafond un trou béant. L’alarme sonnait. Les humains courraient, parlaient, paniquaient. Et elle criait au-dessus de leurs têtes, ses cheveux noirs virevoltants derrière elle. Entre deux doigts fins, elle fit tournoyer une petite plume et, puisant dans l’énergie de sa haine, de son chagrin, elle appela sa faux. Une arme dangereuse qu’elle tint fermement entre ses doigts. Une arme avide d’être utilisée.

    « JE VOUS HAIS TOUS. TOUS AUTANT QUE VOUS ÊTES. »

    Couvrir leurs oreilles de leurs mains ne suffirent pas à ceux qui tentèrent d’éviter ce cri aigu. Ils n’entendaient que ça, le reste semblait presque silencieux à côté, alors que cette voix semblait venir se heurter à leur conscience même. Meian se laissa tomber jusqu’au sol déserté. Les hommes avaient fuit. Mais elle les dénicherait comme un chien après des lapins. Et alors sa vengeance commencera. Seulement à partir de ce moment là. Elle faillit rire, de manière terriblement nerveuse et tordue, mais le son resta coincé dans sa gorge, et le silence était à nouveau tombé sur elle. Elle était devenue un prédateur aux yeux meurtriers, se déplaçant sans bruit, caché dans les ténèbres de cette nuit factice, une faux invisible plantée dans ses mains de gamine. Les ombres qui l’entouraient avalèrent des projectiles inconnus. Mais rien ne l’arrêta. Et du sang coula. Se dispersa sur le sol. Beaucoup de sang.

    « Tu croyais vraiment que j’allais te laisser agir sans rien faire ? »

    Les mots résonnèrent. Meian tourna à peine la tête, ses yeux flamboyants jetant un regard derrière son épaule. Doucement, avec une lenteur extrême et une grâce presque grotesque, elle se retourna, et pencha sa tête en laissant apparaître un sourire enfantin et insolent.

    Evangeline leva une main et déplia ses doigts, au moment même où sa peau frémissait, et que des os de couleur noire la déchiraient, sans qu’aucune marque de douleur ne vienne interrompre l’expression sauvage et déterminée sur son visage. Son bras entier se déforma ainsi pour devenir un amas d’armes luisantes et coupantes. Un frisson parcouru le corps de Meian, alors qu’il lui sembla qu’un doigt brûlant retraçait la ligne parfaite apparente sur son abdomen. Une ligne parfaite mais hideuse, rugueuse et épaisse comme une corde, qui déformait son ventre. Une blessure cachée sous le tissu de ses habits. Meian fit quelques pas vers celle qui l’avait ainsi blessée, se balançant sur ses pieds comme une danseuse, traînant sa faux derrière elle. Elle s’arrêta à quelques centimètres d’Evangeline, son sourire plus grand encore, plus haineux, plus sauvage, plus tourmenté que jamais. De ses yeux débordait la haine. Et cela dégoûta l’exorciste. Elle avait crut trouver un semblant de sa sœur, le jour où elle avait posé les yeux sur cette Noah. Mais il n’en était rien. Cette peste avait tué sa meilleure amie. Cette peste avait saccagé une partie de son monde et cette putain de cicatrice qu’elle lui avait infligé ne payait en rien ce qu’elle avait fait. Non ; il fallait qu’elle paye bien plus cher que ça.

    S’engagea un terrible combat. Des hommes observaient. Peu d’exorcistes semblaient être sur place. Et Meian ne savait rien des évènements qui se déroulaient dans le monde, que ce soit en Russie ou autre part. Elle ne savait absolument rien. Personne ne l’avait envoyée ici. Elle n’avait pas demandé la permission au Comte. Elle avait suivit son semblant de cœur, lamentablement tortillé dans sa poitrine.

    Des chaînes vinrent s’agripper à sa peau, s’enroulant autour de ses maigres bras, de sa petite taille. Un roulement d’épaule et Evangeline l’envoya s’écraser contre un mur dans lequel elle s’enfonça. Des débris et de la poussière s’écroulèrent sur le sol, des mètres et des mètres plus bas. Car elles se battaient grâce au support des balcons, des édifices présents sur les murs de cette salle énorme. Meian se sentit glisser vers le vide et son corps se fit astral, prenant la forme nuageuse d’un oiseau qui déploya ses ailes et fonça vers l’exorciste. Il ne permit aucun échappatoire et heurta Evangeline de toute sa force. Les coups se multiplièrent encore et encore, et Meian se sentit vivre, et se sentit drainée en même temps. Elle dépensait tout, puisant dans sa colère, dans cette colère énorme, gigantesque, bouillant en elle tel un volcan en éruption.

    Son propre sang souillait sa peau. Des coupures plus ou moins importantes étaient encore visibles, bien que son corps essayait tant bien que mal de n’en faire que des souvenirs. Néanmoins le sang coulait toujours de son épaule gauche, là où une lame aiguisée et noire s’était enfoncée jusqu’à l’os, le fracturant. Sa cicatrice était la preuve même que, face à l’innocence, son corps n’était pas totalement immunisé, et que les coups les plus mortels pouvaient laisser leurs marques.

    Et Meian savait qu’alors que sa haine se consumait pour de bon, à travers l’effort, la douleur, et la concentration, sa force la quittait. Car elle ne tenait qu’à son chagrin immense. Elle n’avait jamais été une parfaite soldat, pas comme Evangeline, pas comme cette machine de guerre qui lui faisait face, et qui avait pour but de détruire des monstres comme ce qu’elle était devenu.
    C’est pourquoi vint le moment où un déchirement ouvrit son dos de haut en bas, et qu’elle s’effondra tel un boulet jusqu’au sol, où elle brisa la pierre. S’aidant de ses mains, elle se releva, grimaçant, le corps meurtri. La douleur dans son dos vint comme une vague, et elle ferma les yeux un moment, levant la tête. Et lorsqu’elle les rouvrit, laissant apparaître ses prunelles d’un bleu saisissant, elle vit la silhouette d’Evangeline la rejoindre, dégringolant étage par étage.
    Et elle sut que le moment était venu de tout abandonner.

    Je ne veux plus être en colère.

    L’exorciste arrivait tout droit sur elle, et déploya une paume, qui n’avait rien d’humain, et une lumière vive et blanche se forma entre ses doigts déformés et noirs. Meian inspira, saisissant le spectacle plusqu’effrayant, et ne bougea pas. Une tour de lumière s’abattu sur elle, tel un éclair fracassant. Le sol se fissura encore, toujours plus. Tout se fissurait. Tout, absolument tout. Elle aussi.

    Shadows linger
    Only to my eye
    I see you, I feel you
    Don't leave my side
    It's not fair
    Just when I found my world
    They took you, they broke you, they tore out your heart

    Speak to me
    Be near me
    I can't survive unless I know you're with me




    V. Every waking moment is a savage torment.

    Looking back at me I see that I never really got it right
    I never stopped to think of you
    I'm always wrapped up in things I cannot win
    You are the antidote that gets me by
    Something strong like a drug that gets me high


    I’m watching you breathing for the last time.

    Son dos heurta le sol et ce fut comme une claque, après quoi elle ne ressentit plus rien. Juste un écoulement au niveau de son ventre, de son épaule. Un déchirement indolore à présent. Des larmes brouillaient sa vue. Le monde autour d’elle rétrécissait à vue d’œil, tel un cercle rapetissant, avalé par le noir, par la gueule d’un monstre géant, ou alors recouvert des mains sans rides d’un dieu lointain. Les gens disparurent tour à tour, jusqu’à ce qu’elle ne vit plus que le regard flamboyant de haine d’Evangeline. Puis plus rien. Plus rien ; elle était seule, et son monde se mourrait. Le silence faisait règne, seule sa respiration vint racler cette sphère muette avec lenteur et difficulté. Son monde mourrait.

    … Vraiment ?

    Non. Elle apparaissait, enfin, elle était là, se matérialisant devant ses yeux. Le cercle de lumière était centré sur elle, elle qui volait au-dessus de son corps meurtri, elle qui la fixait sans rien dire. Elle qui lui ressemblait tellement. Meian leva un bras, pris de tremblements atroces. Elle caressa du bout de ses doigts tâchés ce visage si familier. Le visage de sa sœur, dont les prunelles céruléennes la fixaient avec un semblant de douceur.

    « Je t’aime, Hikari. Tellement. »

    Si seulement elle avait pu lui appartenir. Si seulement Hikari n’avait été qu’à elle, pour qu’elle puisse bâtir un empire dans son cœur persistant, à qui on ne pourrait jamais ravir la prééminence. Si seulement elles n’avaient jamais été séparées. Mais elles étaient ensemble, maintenant.

    Et pourtant, alors que ses doigts pâles finissaient de tracer la courbe de sa joue, elle disparue à nouveau.
    Silence.
    Et le souffle de Meian suivit ce fantôme.


    Le temps d’un silence, le doute, l’émotion s’installe. Le silence est l’expression muette lors du changement d’émotion, lors de la violence d’un ressenti. Lorsque l’on s’abandonne au silence, c’est que les mots ne suffisent plus, que les secrets doivent être gardés, que le cœur est pétrifié. Le silence est un tout, c’est ce moment pendant lequel la voix ne répond plus, les pensées s’entrechoquent. C’est la violence glacé de la haine ou la brûlure de l’amour qui se bat.


    Moi je n'étais rien et voilà qu'aujourd'hui,
    Je suis le gardien du sommeil de ses nuits,
    Je l'aime à mourir.
    Vous pouvez détruire tout ce qui vous plaira,
    Elle n'a qu'à ouvrir l'espace de ses bras,
    Pour tout reconstruire.
    Pour tout reconstruire.
    Je l'aime à mourir.

    Elle a gommé les chiffres des horloges du quartier,
    Elle a fait de ma vie des cocottes en papier,
    Des éclats de rire.
    Elle a bâti des ponts entre nous et le ciel,
    Et nous les traversons à chaque fois qu'elle,
    Ne veut pas dormir.
    Ne veut pas dormir.
    Je l'aime à mourir.

    Elle a dû faire toutes les guerres pour être aussi forte aujourd'hui,
    Elle a dû faire toutes les guerres de la vie et l'amour aussi.

    Elle vit de son mieux ses rêves d'opaline,
    Elle danse au milieu des forts qu'elle dessine,
    Je l'aime à mourir.
    Elle porte des rubans qu'elle laisse s'envoler,
    Elle me chante souvent que j'ai tort d'essayer,
    De les retenir.
    De les retenir.
    Je l'aime à mourir.

    Pour monter dans sa grotte cachée sous les toits,
    Je dois clouer des notes à mes sabots de bois,
    Je l'aime à mourir.
    Je dois juste m'asseoir, je ne dois pas parler,
    Je ne dois rien vouloir, je dois juste essayer,
    De lui appartenir.
    De lui appartenir.
    Je l'aime à mourir.


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Meian - Goodbye ;
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